Sunday 23 April 2017

L'enfer, c'est les autres ? Sol-Iris FAIDY


“L’enfer c’est les autres”, est une réplique tirée de la pièce “Huis Clos” écrite par Jean-Paul Sartre. Tout d’abord qu’est-ce que l’enfer ? L’enfer est, dans la religion chrétienne, ce lieu dans lequel se trouvent les damnés. En écrivant “l'enfer c'est les autres”, Sartre affirme donc que la vie avec les autres est un véritable supplice.

Mais est-ce vraiment le cas? Pensez-y! La personne à votre droite ou à votre gauche, vous est elle insupportable? Vos amis, vos parents… font partie des “autres” mais pourtant, ils nous donnent le sourire. Alors dans ce cas, pourquoi dire que “l'enfer c'est les autres” ?

Depuis que nous sommes nés, la présence des autres est inévitable. En effet, que ce soit nos parents, nos amis, nos ennemis… Nous sommes entourés de personnes. Nous sommes l’objet de leur regard et inévitablement jugés.

Pendant les 16 ans de ma vie je n’ai pas arrêté de bouger. J’ai eu la possibilité de découvrir non seulement de nouveaux pays, mais aussi la manière dont les gens vous regardent. J’ai constaté qu’en fonction du pays, les gens ne vous regardent jamais de la même manière.

J’ai changé de pays tous les 5 ans et j’ai du à chaque fois me retrouver devant de nouveaux “autres”. Après 5 ans en Angleterre, je savais parfaitement comment être une adorable petite fille bien élevée à l’école: mon uniforme était impeccable, mes cheveux bien attachés, j’avais toujours le sourire et la mine enjouée, calme et disciplinée je savais parfaitement comment plaire à mes camarades et à ma maîtresse. J’étais ce que la société anglaise aime, et ce qu’on attendait d’une petite fille française bien intégrée aux codes anglais. En prenant du recul, je me rend compte que je ne faisais que faire et reproduire ce qui plaisait aux autres que ce soit à l’école et autour de moi. Dès tout petits, nous sommes sous l’influence du regard des autres. On veut s'adapter aux autres, et leur plaire pour ne jamais être mis de côté.

L’étape suivante était la Russie. Là mes parents ont décidé de me mettre dans une école russe. Mais vous savez quoi? En arrivant, j’ai très vite compris qu’on n’allait pas m’aimer de la même manière. Je ressemblais plus à une anglaise qu'à une française. Il ne suffisait pas de sourire à la maîtresse pour lui plaire. Il fallait lui obéir au doigt et à l’oeil. Et j’ai alors dû me mettre aux nattes, à un horrible nouvel uniforme, à une autre langue, une autre manière de parler, d’écrire, de jouer… heureusement quand on est petit, on aime les nouveaux jeux, et c'est ce qui m'a permis de commencer à m'intégrer. Mais chaque matin, j’avais la boule au ventre sur la route, à l’idée qu’on allait peut être encore me faire ressentir ma différence. J’avais le sentiment d’être une intrus et de ne pas avoir ma place.

La personne qui m’a le plus aidé durant cette période, c’était la maîtresse russe. Elle m’a permis de comprendre les codes russes et à progressivement être ce que les petits russes et leurs parents aiment et attendaient de moi. Au bout de 5 ans, j’étais devenue presque la petite russe modèle; invitée à la datcha pour manger des chachliks.

Et enfin intégrée et reconnue, il a fallu encore partir pour un nouveau pays, la Roumanie, avec encore de nouveaux codes, et de nouveaux regards. Et là je sentais le mal de ventre revenir.

Mais alors ça va être comme cela toute ma vie ? Changer de manière de m'habiller, de parler, de rire, de me comporter à chaque fois que je change d’environnement ? Dépendante du jugement des autres et malheureuse tant que je n’ai pas compris ce que les autres attendent de moi ?

Mais dans ce cas là, que veut dire “Moi” ? Est-ce que comme un caméléon je dois changer de “Moi”, de personnalité à chaque fois que je suis sous un nouveau regard ?

Aujourd’hui lycéenne, je me rend compte qu’on accorde trop d’importance au regard, au jugement des autres. Que ce soit nos parents ou vous tous en face de moi, nous ne disons pas ce que nous pensons de tel ou tel sujet par peur de moquerie; même lorsque nous en sommes convaincus. Nous restons muets sur des sujets primordiaux par cette simple peur du jugement de l’autre. Comme si finalement l’autre avait toujours plus d’importance que nous même. Il dicte notre vie mais le problème c’est que personne ne nous dicte la même chose et cela peut vite tourner au cauchemar.

Laissons les autres de côté. Et s’ils n’existaient pas, ma vie serait-elle un paradis ?

En fait on ne peut pas vivre sans les autres même si parfois nous aimerions. Nous avons besoin d’amis et de soutien, et comme le disait Marc Twain “Good friends, good books, and a sleepy conscience: this is the ideal life.” Nous sommes une société, et nous avons besoin de vivre en groupe, besoin des autres. Regardez autour de vous, pouvez-vous imaginer votre vie, une seule seconde, sans les personnes qui vous entourent, vos amis, votre famille et même vos ennemis? Moi non. Pour moi, me retrouver seule, avec personne pour parler, rire, échanger, me disputer… c’est aussi un enfer. 

Le regard d’autrui est indispensable pour se construire soi même et se connaître soi même. Les autres sont notre miroir, pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre.

Revenons à moi petite fille. Oui, les autres étaient un enfer pour moi au début de l’école russe. Au début j’étais celle dont on se demandait d’où elle venait. Et sans être harcelée, je souffrais de mon isolement, de mon incapacité à leur plaire, je voulais juste me fondre dans cet environnement, être comme eux pour pouvoir communiquer. Cela j’ai pu le surmonter au bout de plusieurs mois. J’ai appris avec eux, ils m’ont obligé à me dépasser moi même, à changer, à m’affirmer et à devenir ce que je suis. Malgré les difficultés, je ne peux pas imaginer ma vie sans cette période, elle m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui. Je me suis attachée à ces personnes qui pendant deux ans ont représenté mon quotidien. Cette amitié qui a tout changé. Passé un cap, j’étais moi et ils étaient eux. Nous avons trouvé une complémentarité, et maintenant j’ai compris; que face aux autres et à des nouveaux autres, je dois chercher non pas leur jugement mais nos différences.

Nous avons besoin des autres. Cette présence nous est nécessaire autant que respirer. L’enfer ne vient pas des autres mais plutôt de la façon dont chacun d’entre nous prête attention à leurs jugements.

Notre société est basé sur les autres, sans eux, rien de tout ce qui se trouve autour de nous n'aurait pu être construit. L’Homme est un être de communication, il a besoin des autres, et sans les autres il n’est rien. Autrui est une source d’enrichissement et d’aide pour nous car il nous apporte ce que nous n’avons pas.

Et comme le disait Saint-Exupéry: “si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis”.

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“Hell is other people” is a line taken from Huis Clos, a play written by Jean-Paul Sartre. To start, what is hell? In christian religion, hell is where the damned are. By writing “hell is other people”, Sartre therefore asserts that life with others is a real ordeal. But is it really the case? Think about it! Is the person on your left or right truly unbearable? Your friends, your parents are part of the “others”, however, they make us smile every day. In this case, why say that hell is other people?

Since our early childhood, the presence of others is unavoidable. Indeed, be it our parents, our friends, our enemies… we are surrounded by people. We are subjected to their judgement.

During the 16 years of my life, I haven’t stopped moving. I’ve been lucky enough to discover not only new countries, but also the different way in which people judge you. I’ve noticed that depending on the country, people don’t judge you in the same way.

I have changed countries every 5 years, and each time, I have had to find new “others”. After 5 years in England, I learned how to be a perfect and polite little school girl. My uniform was spotless, my hair tied neatly, I always had a smile on my face and was cheerful, I knew exactly how to please my friends. Looking back, I realize that I was only doing what pleased other people, be it at school or in my social circle. From a very early age we are influenced by other people’s judgement. We want to fit in, please other people so that we are never rejected.          
Then I went to Russia, where my parents decided to enroll me in a Russian school. But guess what? When I arrived, I quickly understood that I wouldn’t be liked for the same things as in England. I came across as a young English girl rather than a young French girl. Smiling at the teacher wasn’t enough, you had to obey her every order. So I had to put my hair in plaits, wear a terrible new uniform, learn a new language, a new way of speaking, of writing. But every morning on the way to school, I had butterflies in my stomach, scared at the idea that I was going to be made to feel my differences. I felt like an outsider.

The person who helped me the most during this period was my Russian teacher. She helped me to understand the Russian codes and to slowly become what the little Russian children and their parents liked and expected of me. After 5 years, having finally been accepted, I was uprooted again to Romania, to learn new codes and suffer a new judgement. And I felt the butterflies in my stomach come back.

So is this the way it is going to be all my life? Changing my way of dressing, speaking, laughing, behaving each time I encounter a different environment? Being subjected to and dependent of the judgement of others, and unhappy until I have understood what is expected of me? But in this case what does “I” mean? Like a chameleon, must I transform from “I” into a different person each time I am being judged?

Today, as a high school student, I have realized that we pay too much attention to what others think of us; be it our parents or all of you here today, we don’t always say exactly what we think. We remain quiet when talking about important subjects simply because we are afraid of the judgement of others. As if, in fact, the “other” had more importance than the “I”. As if the “others” dictate our life.

Let’s put the others aside. If they didn’t exist, would my life be heaven?

Look around you. Could you imagine your life, even for one second, without the people who surround you: your friends, your family or even your enemies? I couldn't. For me, being alone, having no one to talk to, laugh with, converse with, fight with… would also be hell.

The opinion of others is essential to building one's self and getting to know one's self. The others are our reflection, to learn truths about me, I depend on the others.

Let's go back to when I was a little girl. Yes, the others represented hell for me at the beginning of my Russian school. In the beginning, I was the one people had so many questions about. I suffered from being isolated, from being incapable of pleasing them, I just wanted, to become one of them, so as to communicate with them. I managed to overcome this after a few months. I learned with them, they pushed me beyond my limits, to assert myself and to become what I am. Despite the difficulties, I can’t imagine not having lived this period because it allowed me to become what I am today. After a while, we had found a way of accepting each other's differences. And now I have understood that when facing others and new others, I have to focus on our differences and not so much on their judgement. The presence of others is as essential as breathing, hell isn't the others; it depends on how each one of us decide to pay attention to their judgement. Our society is based on others. Without them nothing which is around us could have been built. Others are a source of wealth and help because it brings us what we don't possess ourselves. And as Saint-Exupéry said: “If you are different, to me, my brother, far from harming me, you enrich me.”

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