“L’enfer c’est les autres”, est une réplique tirée de la
pièce “Huis Clos” écrite par Jean-Paul Sartre. Tout d’abord qu’est-ce que
l’enfer ? L’enfer est, dans la religion chrétienne, ce lieu dans lequel se
trouvent les damnés. En écrivant “l'enfer c'est les autres”, Sartre affirme
donc que la vie avec les autres est un véritable supplice.
Mais est-ce vraiment le cas? Pensez-y! La personne à votre
droite ou à votre gauche, vous est elle insupportable? Vos amis, vos parents…
font partie des “autres” mais pourtant, ils nous donnent le sourire. Alors dans
ce cas, pourquoi dire que “l'enfer c'est les autres” ?
Depuis que nous sommes nés, la présence des autres est
inévitable. En effet, que ce soit nos parents, nos amis, nos ennemis… Nous
sommes entourés de personnes. Nous sommes l’objet de leur regard et
inévitablement jugés.
Pendant les 16 ans de ma vie je n’ai pas arrêté de bouger.
J’ai eu la possibilité de découvrir non seulement de nouveaux pays, mais aussi
la manière dont les gens vous regardent. J’ai constaté qu’en fonction du pays,
les gens ne vous regardent jamais de la même manière.
J’ai changé de pays tous les 5 ans et j’ai du à chaque fois
me retrouver devant de nouveaux “autres”. Après 5 ans en Angleterre, je savais
parfaitement comment être une adorable petite fille bien élevée à l’école: mon
uniforme était impeccable, mes cheveux bien attachés, j’avais toujours le
sourire et la mine enjouée, calme et disciplinée je savais parfaitement comment
plaire à mes camarades et à ma maîtresse. J’étais ce que la société anglaise
aime, et ce qu’on attendait d’une petite fille française bien intégrée aux
codes anglais. En prenant du recul, je me rend compte que je ne faisais que
faire et reproduire ce qui plaisait aux autres que ce soit à l’école et autour
de moi. Dès tout petits, nous sommes sous l’influence du regard des autres. On
veut s'adapter aux autres, et leur plaire pour ne jamais être mis de côté.
L’étape suivante était la Russie. Là mes parents ont décidé
de me mettre dans une école russe. Mais vous savez quoi? En arrivant, j’ai très
vite compris qu’on n’allait pas m’aimer de la même manière. Je ressemblais plus
à une anglaise qu'à une française. Il ne suffisait pas de sourire à la
maîtresse pour lui plaire. Il fallait lui obéir au doigt et à l’oeil. Et j’ai
alors dû me mettre aux nattes, à un horrible nouvel uniforme, à une autre
langue, une autre manière de parler, d’écrire, de jouer… heureusement quand on
est petit, on aime les nouveaux jeux, et c'est ce qui m'a permis de commencer à
m'intégrer. Mais chaque matin, j’avais la boule au ventre sur la route, à
l’idée qu’on allait peut être encore me faire ressentir ma différence. J’avais
le sentiment d’être une intrus et de ne pas avoir ma place.
La personne qui m’a le plus aidé durant cette période,
c’était la maîtresse russe. Elle m’a permis de comprendre les codes russes et à
progressivement être ce que les petits russes et leurs parents aiment et
attendaient de moi. Au bout de 5 ans, j’étais devenue presque la petite russe
modèle; invitée à la datcha pour manger des chachliks.
Et enfin intégrée et reconnue, il a fallu encore partir pour
un nouveau pays, la Roumanie, avec encore de nouveaux codes, et de nouveaux
regards. Et là je sentais le mal de ventre revenir.
Mais alors ça va être comme cela toute ma vie ? Changer de
manière de m'habiller, de parler, de rire, de me comporter à chaque fois que je
change d’environnement ? Dépendante du jugement des autres et malheureuse tant
que je n’ai pas compris ce que les autres attendent de moi ?
Mais dans ce cas là, que veut dire “Moi” ? Est-ce que comme un
caméléon je dois changer de “Moi”, de personnalité à chaque fois que je suis
sous un nouveau regard ?
Aujourd’hui lycéenne, je me rend compte qu’on accorde trop
d’importance au regard, au jugement des autres. Que ce soit nos parents ou vous
tous en face de moi, nous ne disons pas ce que nous pensons de tel ou tel sujet
par peur de moquerie; même lorsque nous en sommes convaincus. Nous restons
muets sur des sujets primordiaux par cette simple peur du jugement de l’autre.
Comme si finalement l’autre avait toujours plus d’importance que nous même. Il
dicte notre vie mais le problème c’est que personne ne nous dicte la même chose
et cela peut vite tourner au cauchemar.
Laissons les autres de
côté. Et s’ils n’existaient pas, ma vie serait-elle un paradis ?
En fait on ne peut pas vivre sans les autres même si parfois
nous aimerions. Nous avons besoin d’amis et de soutien, et comme le disait Marc
Twain “Good friends, good books, and a sleepy conscience: this is the ideal
life.” Nous sommes une société, et nous avons besoin de vivre en groupe, besoin
des autres. Regardez autour de vous, pouvez-vous imaginer votre vie, une seule
seconde, sans les personnes qui vous entourent, vos amis, votre famille et même
vos ennemis? Moi non. Pour moi, me retrouver seule, avec personne pour parler,
rire, échanger, me disputer… c’est aussi un enfer.
Le regard d’autrui est indispensable pour se construire soi
même et se connaître soi même. Les autres sont notre miroir, pour obtenir une
vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre.
Revenons à moi petite fille. Oui, les autres étaient un enfer
pour moi au début de l’école russe. Au début j’étais celle dont on se demandait
d’où elle venait. Et sans être harcelée, je souffrais de mon isolement, de mon
incapacité à leur plaire, je voulais juste me fondre dans cet environnement,
être comme eux pour pouvoir communiquer. Cela j’ai pu le surmonter au bout de
plusieurs mois. J’ai appris avec eux, ils m’ont obligé à me dépasser moi même,
à changer, à m’affirmer et à devenir ce que je suis. Malgré les difficultés, je
ne peux pas imaginer ma vie sans cette période, elle m’a permis de devenir la
personne que je suis aujourd’hui. Je me suis attachée à ces personnes qui
pendant deux ans ont représenté mon quotidien. Cette amitié qui a tout changé.
Passé un cap, j’étais moi et ils étaient eux. Nous avons trouvé une
complémentarité, et maintenant j’ai compris; que face aux autres et à des
nouveaux autres, je dois chercher non pas leur jugement mais nos différences.
Nous avons besoin des autres. Cette présence nous est
nécessaire autant que respirer. L’enfer ne vient pas des autres mais plutôt de
la façon dont chacun d’entre nous prête attention à leurs jugements.
Notre société est basé sur les autres, sans eux, rien de tout
ce qui se trouve autour de nous n'aurait pu être construit. L’Homme est un être
de communication, il a besoin des autres, et sans les autres il n’est rien.
Autrui est une source d’enrichissement et d’aide pour nous car il nous apporte
ce que nous n’avons pas.
Et comme le disait Saint-Exupéry: “si tu diffères de moi, mon
frère, loin de me léser, tu m’enrichis”.
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